Il est né le 15 octobre 1896, à Gars, petit village des Alpes maritimes, en Provence. Toute sa vie sera influencée par ses origines paysannes. On le serait à moins…
Élève de l’École supérieure de Grasse, puis de l’École normale de Nice, il quitte celle-ci pour la guerre 14-18, d’où il revient blessé grièvement au poumon. Convalescent et encore handicapé, il devient instituteur à Bar-sur-Loup, en 1920.
Aussitôt, il cherche à réaliser dans l’éducation son refus de la guerre et de l’endoctrinement qui a mené le peuple à la tuerie. Freinet étudie tous les courants d’éducation nouvelle qui foisonnent à cette époque dans toute l’Europe.
En 1924, il entame sa première correspondance scolaire avec l’école de Trégunc (Finistère), animée par René Daniel. « Nous ne sommes plus seuls », dira-t-il ce jour-là! En 1926, il introduit l’imprimerie à l’école, pour donner un caractère plus solennel aux écritures des enfants. Élise, une enseignante artiste qui adhère et collabore à son action novatrice devient sa compagne. En 1927, se tient le premier congrès des utilisateurs de l’imprimerie, à Tours; est créée aussi la première Gerbe enfantine, revue rédigée par les enfants pour les enfants. Un bulletin voit le jour, qui deviendra la revue L’Éducateur qui paraît toujours. La même année, on crée légalement la Coopérative de l’Enseignement Laïc, la C.E.L., indispensable pour créer et diffuser les nouveaux outils pédagogiques nécessaires.
Déjà, l’action de Freinet est orientée par des options dont il ne s’éloignera jamais:
- La mise au point d’une pédagogie populaire fondée sur le respect des enfants;
- L’expression libre, la motivation de l’effort;
- La primauté des outils et des techniques pédagogiques comme base du changement de l’éducation;
- La vie coopérative au sein du travail de la classe et aussi dans le mouvement;
- La recherche d’une théorie psychologique utilisable par les éducateurs.
En 1928, Freinet s’installe à St-Paul-de-Vence où les force réactionnaires provoqueront bientôt la fameuse « affaire de St-Paul ». Freinet est alors « mis en congé » par l’administration et quitte l’enseignement public. Il travaille alors à créer sa propre école où il continuera de construire sa pédagogie, hors des contraintes de l’Éducation nationale. L’école Freinet de Vence est officiellement ouverte en 1935, après qu’on eût réussi à vaincre toutes les tracasseries administratives qui visaient à décourager Freinet de l’ouvrir. Elle accueille des enfants d’Aubervilliers, puis des jeunes réfugiés espagnols, fuyant la guerre civile.
En 1936, pour donner un contenu éducatif aux idées du Front Populaire, Freinet crée avec Romain Rolland le Front de l’Enfance. Le mouvement commence à se développer autour de thèmes percutants: « Plus de manuels! », « Le texte libre », « Si la grammaire était inutile! », La Bibliothèque de travail », « Le fichier scolaire coopératif », « La méthode naturelle de lecture »,…
Freinet est arrêté et interné en 1940, suspect aux yeux du régime de Vichy, à cause de son appartenance au parti communiste. Les séquelles de sa blessure de guerre le font placer en résidence surveillée, mais il gagne le maquis qu’il dirigera en vallée de Vallouise. Après la libération, le mouvement prend une audience nouvelle. Freinet parcourt toute la France et multiplie les conférences, organise des stages…
Il crée officiellement l’INSTITUT COOPÉRATIF DE L’ÉCOLE MODERNE (l’ICEM), en 1948, une association de recherche pédagogique assurant la mise au point des éditions de l’École moderne. Freinet publie « L’École moderne française », « L’Éducation du travail », « Essai de psychologie sensible appliquée à l’éducation », les deux derniers ayant été rédigés pendant sa détention.
L’élan novateur de la Libération a vite fait place à la stagnation. Freinet continue inlassablement à développer le mouvement, à l’implanter aussi au secondaire, à lutter pour des conditions de travail acceptables. C’est lui qui lance le mot d’ordre « Moins de 25 élèves par classe! » Certaines de ses idées passent dans le domaine public et il faudra désormais empêcher que le texte libre, la correspondance scolaire, le journal scolaire ne deviennent des activités routinières, vidées de leur sens véritable, au service des enfants.
Freinet meurt à Vence, le 8 octobre 1966. Il est inhumé à Gars, son village natal, où Élise le rejoindra en 1983.
Soucieux de ne pas figer le mouvement à la mort de son fondateur, les militants de l’I.C.E.M. ont, à plusieurs reprises, redéfini les principes qui les réunissent. En 1968, la Charte de l’École Moderne (voir Bibliothèque), adoptée au congrès de Pau, affirme la volonté de promouvoir une éducation qui soit « épanouissement et élévation, et non accumulation de connaissances, dressage et mise en condition », une école centrée sur l’enfant, fondée sur le travail créateur, la recherche expérimentale, refusant tout endoctrinement. La Charte rejette « l’illusion d’une éducation qui se suffirait à elle-même hors de grands courants sociaux et politiques qui la conditionnent ».
En 1973, le Manifeste d’Aix précise la portée politique de la pédagogie Freinet et conclut par ces phrases:
« Le combat pédagogique de notre mouvement pour une authentique culture populaire s’inscrit dans un contexte de lutte économique, sociale et politique. Nous ne pouvons pratiquer la pédagogie Freinet pleinement dans une société fondée sur le profit et l’exploitation.
Nous choisissons cependant de travailler à l’intérieur d’un tel système pour prendre conscience des données du problème, à partir de nos expériences, qu’il s’agisse de nos réussites ou des nos échecs, afin de promouvoir une pédagogie vraiment populaire qu’il s’agira ensuite de mettre en place dans une société réellement démocratique.
Il appartient à chacun de nous de militer dans les partis, syndicats, organisations pour contribuer à la remise en cause et au renversement du système actuel.
Refusant de transposer au sein de l’ICEM de stériles querelles de partis ou de tendances, il nous reste à mener ensemble l’action pédagogique qui est l’une des formes de notre engagement politique, la seule qui puisse se faire à l’intérieur de notre mouvement… »
En 1978, le document « Perspectives d’Éducation populaire » développe à nouveau les orientations de l’action éducative du mouvement.
Malgré une baisse sans précédent du militantisme dans les années 80 et 90, le mouvement français, l’ICEM, puis les autres mouvements nationaux, au sein de la FIMEM (Fédération internationale des Mouvements d’École Moderne), continuent de développer la pédagogie Freinet, de la faire vivre et d’en faire profiter les enfants du monde.
Des orientations décisives ont depuis été confirmées en faveur des droits de l’enfant, pour la lutte à l’injustice sociale et l’échec scolaire. La pédagogie Freinet maintient ses luttes partout où l’enfant est encore menacé. Ainsi vivent et travaillent toujours les mouvements français, belges, espagnols, italiens, allemands, suisses, polonais, russes, roumains, mexicains, brésiliens, japonais,… et des pédagogues disséminés dans le monde entier…
La pédagogie Freinet est bien vivante!
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